mardi 16 août 2016

Où il est question de vikings cabotins, de nonnes militantes et de quelques autres élèments pseudo-historiques. 1/3

Quelque part dans une bourgade côtière de la Francie, aux environs de l'an 900. Deux hommes, Erlendur-le-penseur et Varg-le-fougeux, sont attablés dans une auberge. Malgré le fait qu'ils soient les seuls à parler et comprendre le norrois, inconsciemment, ils échangent à voix basse. Ces deux hommes sont des « hommes du nord », les fameux vikings, mais ce soir, aucun attribut guerrier ne se laisse deviner. Erlendur et Varg font partie d'une expédition commerciale. Ils longent les côtes du continent pour vendre de l'ambre, des fourrures et du bois. Accessoirement, ils étudient aussi les régions traversées : ressources, accessibilités et surtout systèmes de défense. L'information étant une marchandise comme une autre, les éléments intéressants seront revendus aux Jarls danois pour de futures expéditions de pillages. Mais ces dernières semaines, ces récoltes sont pauvres.

Varg : beuuurk ! Mais avec quoi ils le font leur cidre ? de la pisse d’âne fermentée ? Ils ont vraiment rien pour eux ces crevards de francs !

Erlendur : il est vrai que les ressources de ce pays sont quelque peu … restreintes. Ce qui n'arrange pas nos affaires.

Varg: Quelque peu restreintes ? C'est mort oui ! Tout pue la misère dans ce bled ! Regarde ces connards autour de nous comment qu'ils sont maigres ! Porter des objets en métal ça les essoufflerait ! Un raid ici, à tout casser, ça rapporterait un demi-sac de grains et quelques poules malades... parce que moi j'embarque pas leur picole !

Erlendur : reste la bâtisse qu'on a aperçu sur la côte, à deux lieues d'ici.

Varg : mouais... faudrait voir...

L'aubergiste s'est approché de nos deux compères. Ayant flairé des clients fortunés, il tente de les retenir en posant d'autorité un nouveau pichet de cidre sur la table.

L'aubergiste : cadeau de la maison ! Tout va comme vous voulez, messieurs les touristes ? Est-ce que je peux vous être utile à quelque chose ?

Erlendur lève son broc plusieurs fois en direction de l'aubergiste, mais sans jamais le porter à sa bouche.

Erlendur parlant en franc : merci pour ce vigoureux breuvage. Mon ami me disait tout le bien qu'il en pensait. Allez Varg ! Fait honneur à notre hôte ! Cul sec ! Varg avale le cidre en laissant échapper des larmes. Puisque vous nous proposez votre aide, vous allez arbitrer notre différent. Mon camarade prétend que la bâtisse au nord du village est une garnison, moi je pense que c'est une ferme fortifiée, qui de nous deux a raison ?

L'aubergiste : aucun d'entre vous ! Vous devez parler du couvent.

Erlendur : et qu'est-ce donc qu'un Kou-Ven ?

L'aubergiste bombant le torse : c'est le lieu sacré où reposent les reliques de Saint-Léon, tué d'un coup de pieu par le diable lui-même. Ses ossements sont désormais gardés dans un merveilleux coffre incrusté d'or et de diamants.

Les deux vikings se regardent, soudain plus attentif.

Erlendur : et... hum !... les habitants du …. Kou-Ven seraient-ils intéressés par la venue de deux honnêtes commerçants ? Pensez-vous qu'ils auraient quelques piécettes à troquer contre des produits de qualité garantie ?

L'aubergiste hilare : des piécettes ? On voit que vous n'êtes pas d'ici ! Sachez messieurs que le couvent de Saint-Léon recèle le plus grand trésor de la région ! Tout homme qui en a les moyens rachète ses péchés en donnant de l'or. Mais ne vous faites pas d'espoir, cet or n'est plus en circulation, il est désormais pour Notre Seigneur Jésus.

Varg : nomdedieudenomdedieudenomdedieu !

Erlendur : mais un tel trésor doit être sous bonne garde je présume ?

L'aubergiste : évidement ! Il est sous la protection des nonnes.

Erlendur : des nonnes ?

L'aubergiste : des nonnes. Des religieuses, une quarantaine de femmes. Ça va des novices qui ont seize ans jusqu'à la mère supérieure, 60 ans cette année.

Erlendur : serait-ce des guerrières surentraînées ? Des porteuses de boucliers, des skjalmös comme on dit chez nous ?

L'aubergiste : non ! La violence est bannie ! Elles ont fait vœux de chasteté et de pauvreté... mais leurs prières sont très puissantes !

Varg : par la pine de fer d'Odin ! Erlendur lui donne des coups de pieds sous la table.

L'aubergiste : … sans parler de leurs connaissances des textes sacrés, elles sont incollables pour vous justifier la consubstantialité du Père et du Fils...

Erlendur : voui voui voui... mais mettons que des gens mal intentionnés veuillent quand même s'en prendre aux richesses du Kou-Ven – on voit de ces choses par les temps qui courent -il y a bien une garnison à proximité, prête à intervenir ?

L'aubergiste : Pas la peine puisque je vous dis qu 'elles prient ! C'est IM-PO-SSIBLE d'attaquer le couvent! Un homme assez fou pour le faire serait aussitôt excommunié par le Pape, banni de l’Église ! Vous vous rendez compte ?

Erlendur : oh ben oui alors... merci pour tous ces éclaircissements mon brave, faites donc porter un tonneau de ce... délicieux cidre aux hommes restés sur notre bateau.

L'aubergiste s'éloigne, ravi de son affaire. Erlendur se retourne vers son compagnon qui dissimule mal son excitation.

Erlendur : si je résume calmement la situation, nous avons un bâtiment isolé, plein à craquer d'or, occupé par des femmes vierges désarmées...

Varg : quand on va raconter ça aux copains, on va pas pouvoir les tenir. On y va s'te plaît ! S'te plaît ! S'te plait !

Erlendur se passe la main sur la barbe, pensif. Il soupire et reprend :

Erlendur : Pas d'alcool pour Gunnar et Roddrik, ce soir c'est eux qui conduiront le drakkar. On sort les haches de sous les bancs de rames et on va rendre visite à ces nanas qui sont si fortes en textes sacrés !

À suivre...

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