mercredi 31 décembre 2014

Les vidéos militantes 2

Un billet avait déjà était consacré à ce moyen de communication il y a de cela un an. Sachez d'ores et déjà qu'il y en aura deux autres, écrits et postés dans un futur indéterminé.

On ne parlera pas ici des conférences et autres débats filmés, ça on en a plein : du Lordon, du Franck Lepage, du Friot, des rédacteurs du Monde Diplo, du Chouard (non pas Chouard je déconne) etc... Les conférences on sait faire. Ce qui manque, c'est ce chainon entre le vide sédatif de Norman fait des vidéos et le plein universitaire des auteurs cités plus haut. Ce qu'il nous faut à nous gauchistes, c'est ce format de vidéo scénarisée, que l'on présentait dans le billet précédent, d'une à vingt minutes, qu'on ouvre d'un clic de souris parce qu'on a pas envie d'entreprendre quelque chose de plus exigeant intellectuellement mais qui nous donnera envie d'aller plus loin dans la critique sociale.

Il s'agit de répertorier ce qui existe comme éléments à gauche, disponible sur les réseaux sociaux. Face aux hordes de vidéos d'extrême-droites mais surtout aux raz de marée des vidéos dépolitisées et abêtissantes qui n'en sont pas moins néfastes, y a-t-il une réponse intelligente et attrayante à gauche ?

Mooouuais serait une réponse orale adaptée à cette interrogation. De courageux et intrépides youtubeurs résistent encore et toujours au matraquage infra-politique. Faut juste réussir à les trouver. On peut se dire que c'est comme les coins à champignons, on sait que ça existe mais quand on est pas initié on trouvera jamais. Sauf que contrairement aux champignons, partager ses connaissances sur les vidéos militantes de gauche ne nous dépossède pas. Fin de la métaphore mycologique.

En clair, si l'info n'est pas virale, peu de chance de tomber sur une série politique, sympa et engagée à gauche. Il s'agirait pour ceux et celles motivés à se lancer dans cette aventure, de s'interroger sur le référencement, il y a un gros boulot à faire là-dessus.

Toujours est-il que voici une brève liste de ce que l'on m'a conseillé et que je conseille à mon tour :

Commençons par Monsieur LaVeritay. Un canapé, un plan fixe et une durée suffisamment courte pour que ce format ne deviennent pas lassant. Putain c'est pas compliqué, pourquoi n'y a t-il pas deux mille Monsieur LaVeritay ? LaVeritay présente un point d'actu politique ou sociale entre trois et cinq minutes, c'est l'outil idéal à utiliser dans le fil d'une discussion sur Facebook. Simple et efficace.



Nous avons ensuite le Stagirite. Là où LaVeritay réagit opportunément, le Stagirite commence à creuser un peu. Il a travaillé son personnage, son texte et son décor.



Citons les copains de Désinvox, une bande de potes du centre de la France qui se sont sortis les doigts du fondement pour produire des vidéos spécialisées dans le démontage du discours du Front National. L'architecture de l'émission s'affine à chaque épisode, c'est encourageant, grâce leur soit rendue.



Il est un peu tôt pour dire que la web-série suivante est ma préférée car il n'y a qu'un épisode mais c'est celle qui promet le plus. Je veux parler de la Tronche en Biais. Vled et Acermendax nous y parle d'esprit critique, de scepticisme et de zététique. C'est intelligent, c'est agréable à suivre et c'est pas du boulot bâclé, bien au contraire. La Tronche en Biais s'est doté d'un putain de générique et dispose d'un très bon caméraman (d'après un pote caméraman à moi). Moins de deux milles vues au moment de la rédaction de ce billet, c'est complément injuste, faites de la pub pour cette vidéo !



Enfin un vieux de la vieille et on rejoint du travail professionnel. Usul a délaissé les chroniques de jeux vidéos qui étaient pourtant déjà d'une grande qualité et d'une grande érudition. Il dresse des portraits de Mes Chers Contemporains. Besancenot, BHL, Chouard et Lordon sont présentés et finement critiqués par un ancien compagnon de route de la LCR. C'est pointu, c'est critique et il y énormément d'info à la minute.



Les vidéos que l'on vient de mentionner sont des initiatives individuelles. Imaginez le potentiel si une organisation politique investissait sérieusement dans ce média, en faisant confiance à ses militants motivés, en y mettant quelques moyens financiers (en rognant un peu sur le budget tracts/affiches/journaux pas lus) et en faisant fonctionner ses réseaux. Si vous n'arrivez pas à le concevoir, regardez ce qui se fait de l'autre côté des Pyrénées. Podemos a investi dans la communication télévisuelle et ça marche. L'émission la Tuerka est une satire des journaux télé, présentée par un duo comique efficace: le sérieux à cravate et le petit gros rigolo. Après 150 programmes, elle dépasse ses rivales d'extrême-droite. Outre un ton ironique, jeune et impertinent, l'émission doit son succès à une coordination efficace entre différents réseaux : la Turka est hébergée sur le site d'un quotidien de gauche, les comptes Facebook (800 000 visiteurs) et Twiter (400 000 followers) de Podemos se chargent de la diffusion virale.


La qualité est là, il ne manque plus que la quantité. Si on regarde le nombre d'émissions produites, on s'aperçoit que ce sont toutes des initiatives récentes. On peut donc espérer pour 2015 un effet d'émulation. Je sais d'ailleurs de sources sûres que d'autres équipes se préparent. Restons ainsi sur cette note positive pour cette fin d'année.

Ça va chier !


mardi 11 novembre 2014

Dystopie anarcho-droitière 2/2

Je me retournais et le visage que je reconnu me tira de mes pensées mortifères :

- Nom de dieu de nom de dieu, Léandre ? Si on m'avait dit un jour que je serai content de voir ta gueule de sale gauchiste !
- Et moi donc vieille crapule droitière !

Nous nous étreignîmes. Léandre reprit :

- On commençait à désespérer de ton cas. On se disait que tu avait été tué au fond d'un commissariat.
- Qui ça ''on'' ?
- Ma foi, tous les copains... tous les camarades de l'orga de la région sont ici.
- Sans blague ? Mais on est où exactement ? L'endroit me dit quelque chose.
- Évidement, rappelle-toi, ici avant c'était une ZAD. Les autorités se sont contentées de faire quelques aménagements et de poser une clôture tout autour.
- Et on est combien en tout ici ?
- Pour ça tu risques plus de te sentir seul. C'est une vraie petite ville, on est plus de six mille à être « en retenue administrative »... y a pas mal de fans de ton blog parmi eux. Viens je vais te faire visiter.

Nous traversâmes le camp. Léandre m'expliquait les différentes zones :

- A l'arrivée on reçoit une affectation aléatoire dans un baraquement mais on s'en fout. Tout le monde s'est regroupé par affinité politique. Ici ce sont les syndicalistes, là-bas ce sont les militants de l'ancien PS...on l'appelle le quartier des cocus. Nous, on est installés derrière la clinique...
- Il y a une clinique ici ?
- Bien sûr, on y trouve Filoche et Krivine qui refont le monde, mais c'est surtout la zone officieuse des militants PCF....
- Ils sont vraiment increvables tous ceux-là ! Et le grand bâtiment là-bas c'est quoi ?
- C'est la médiathèque.

Je m'arrêtais sur place, incrédule.

- Tu déconnes ?
- Non, on a un cinéma, un amphithéâtre, une salle de concert et une bibliothèque...
- Et qu'est-ce qu'on y trouve comme bouquins ? La propagande du NPO ou les chercheurs de « gauche » autorisés par le pouvoir : Bricmont, Collon, Chouard ?
- Pas du tout. On a récupéré tous les bouquins subversifs retirés des bibliothèques publiques et parfois même on a récupéré leurs auteurs... tu pourras avoir des dédicaces. Ce soir y a une conférence par l'ancien directeur du Diplo : « 20 ans de pouvoir du Tea Party aux États-Unis, bilan et perspective ».

J'allais de surprise en surprise. Un sentiment d'euphorie difficilement contrôlable me gagnait en même temps qu'une forte culpabilité. Je n'aurai pas dû être heureux de toutes ces nouvelles informations, nous étions des vaincus, nous étions enfermés et il n'y avait aucun espoir à court ou moyen terme pour que la situation du pays évolue en notre faveur. Une affiche punaisée non loin de moi attira mon attention. Léandre, qui avait suivi mon regard, me demanda :

- Tu te souviens de Gros Bébert ?
- Le chanteur des Ramoneurs de Cornemuses? Il est là lui aussi ?
- Mieux que ça ! Il a retrouvé le batteur et le bassiste des Flash. Ils ont formé un nouveau groupe de rock. Ils jouent samedi prochain.

Je ne pus alors m'empêcher de lever les bras au ciel : 

- Putain ! Les Ramoneurs et Les Flash ensemble ! La combinaison d'enfer ! C'est énorme ! 
- Tu vois, on a pas tout perdu. C'est plutôt tranquille ici. Les gardiens ne rentrent jamais dans le camp. On s'organise comme on veut. Le seul deal c'est de ne pas tenter de sortir ni de communiquer avec l'extérieur... mais on a un intranet.
- C'est sûr c'est pas Treblinka ! De toute façon on en a pour dix ans à s'engueuler entre nous à propos des raisons de notre défaite. 
- On t'a pas attendu pour commencer... allez viens, j'te paie un verre au Communard, c'est mon bar préféré. 
- Parce que vous avez aussi des bars ici ? 
- Plein ! Faut que je te parle d'un projet que j'ai. Je pensais faire un fanzine marrant qu'on pourrait appeler genre Le gauchiste enchaîné. Ça te dirait d'en être ?

Tandis que nous nous installions en terrasse du Communard sous le soleil brûlant du mois de novembre, je compris l'intelligence du nouveau pouvoir qui nous laissait à disposition notre microcosme militant. Que pouvions-nous espérer de mieux à l'extérieur ? Qu'aurions-nous pu attendre d'une société qui ne nous comprenait plus ? Les Centres d'Accueil et de Protection étaient des zoos pour les derniers militants de gauche du pays. Cette analyse aurait dû me révolter mais tandis que Léandre m'offrait ses feuilles et son tabac en attendant les bières, je me sentais envahi par une paresse intellectuelle pas désagréable. Je luttais quelques instants en essayant de me rappeler mes années de luttes mais Léandre m'interrompit : 

- alors ? On est pas bien là ?
- Carrément, répondis-je.




lundi 10 novembre 2014

Dystopie anarcho-droitière 1/2

France, autour des années 2030

Nous avions été balayés en une semaine. Des fourmis s'aventurant sur une table de camping par excès de confiance, balayées d'un revers de main par un convive distrait, voilà ce que nous avions été.

Telles étaient mes pensées tandis que la voiture de police quittait la ville pour m'emmener officiellement au CAP numéro 12, les Centres d'Accueil et de Protection, novlangue pour ne pas parler de camps de prisonniers politiques. Les jeunes fonctionnaires du ministère de l'intérieur qui m'escortaient semblaient pressés de finir leur service et la voiture roulait à toute vitesse sur les routes d'une campagne déserte. L'idée me vient un instant que ce CAP n'existait pas et que j'allais bientôt finir dans une fosse, une balle dans la nuque. Curieusement cela ne me procura aucune émotion et mes pensées revinrent sur ces six derniers mois.

Le coup d’État constitutionnel nous avait pris de court. Nous savions que quelque chose allait se produire mais nous étions persuadés de disposer encore de deux ou trois ans. Le vieux président Manuel Juppé avait annoncé la dissolution du gouvernement alors que nous étions en plein congrès. Face aux contestations en tout genre, il avait franchi le rubicond et appelé comme première ministre la présidente du NPO, le Nouveau Parti de l'Ordre. Celle qu'on appelait « la Maréchal » était jusqu'alors cantonnée au Ministère de la Culture, poste inoffensif nous avait-on assuré...pourtant elle en avait fait du dégât ! Elle était aidé en cela par les conseils de sa tante. Officiellement retirée de la vie politique dans sa résidence de St Cloud, « la Matriarche » gardait une influence bien au-delà de son parti.

Nous avions aussitôt suspendu nos travaux. Quel dommage ! Notre motion était en passe d'avoir la majorité au sein de notre rassemblement, le Deuxième Front Populaire. L'unité de la gauche n'aurait été alors qu'une question de semaines et les choses se seraient passées autrement, qui sait ?

Nous étions pris de court, mais pas totalement désarmés, du moins c'est ce que nous pensions. Conformément aux simulations établies par les coordinations antifascistes, les centrales syndicales appelèrent à la grève et les organisations politiques lancèrent des appels aux rassemblements. La réponse du gouvernement et des milices du NPO fut violente mais là encore nous pensions être prêt à encaisser le choc. Cela faisait des années que nous avions constitué nos propres groupes d'autodéfenses, malheureusement ceux-ci étaient depuis longtemps infiltrés par des groupes d'extrême-droite et autres soraliens. Dès le premier jour de confrontation, ceux-ci se retournèrent contre nous. Le reste de la semaine ne fut qu'une grande partie de course-poursuite contre les opposants au nouveau pouvoir.

Tandis que les paysages de basse-montagne défilaient sous mes yeux, il me revint le souvenir d'une scène d'un vieux film du début des années 2000. Ce film s'appelait Agora et l'histoire se passait à Alexandrie au moment où l'empire romain allait se convertir au christianisme. Au début du film, les aristocrates de la ville sont encore polythéistes. Ce sont des philosophes et des libres penseurs et ils méprisent les éléments de la plèbe qui se convertissent à cette nouvelle religion qu'ils jugent absurde et malsaine. Après une ultime provocation des fanatiques chrétiens, les aristocrates décident d'en finir. Ils s'arment et arment leurs domestiques pour corriger les perturbateurs, persuadés que quelques coups de glaive réussiront là où les discours rationnels ont échoué. Une fois l'effet de surprise passé, les chrétiens se ressaisissent et les patriciens se retrouvent tétanisés par l'ampleur jusqu'alors inconnue prise par la religion chrétienne. Ce sont des milliers de convertis qui surgissent de la ville pour prêter main forte à leurs frères et les païens sont obligés de s'enfuir dans la panique.

C'est ce qui nous était arrivé. Aveuglés par la logique implacable de nos discours et la pureté de nos intentions émancipatrices, nous n'avions pas vu la transformation de la société. Le retour à la réalité fut on ne peut plus douloureux. Sans le moindre frémissement de la population, la Maréchal décréta l'état d'urgence et déclara hors-la-loi tous les opposants, accusés de « sabotage politique et économique ». Elle enclencha un processus constituant et proclama la 6ème République...mais ce n'était pas celle que l'on attendait, évidement.

Maigre consolation, ces événements contredirent les déclinistes de tout poil, nous avions désormais le régime le plus autoritaire d'Europe.

90% des cadres politiques et syndicaux furent arrêtés dès la première semaine. Cette efficacité était la preuve que le projet était organisé depuis longtemps au sein du ministère de l'intérieur. Pour ma part, je réussis à rester en cavale pendant six mois, ce qui constituait un record d'après les policiers qui m'avaient interrogé. J'avais d'abord tenté de passer à l'étranger mais devant l'impossibilité de traverser les frontières je m'étais caché dans une maison de famille. J'avais passé six mois sans sortir, à relire des livres et manger des boites de conserves. Sans parler à personne, la dépression et la schizophrénie me gagnaient. J'avais craqué il y a trois jours.

Je m'étais fabriqué un drapeau rouge et j'étais sorti dans les rues attendant que la police m'arrête. C'était un baroud d'honneur puéril, je n'avait pas défilé avec un drapeau rouge depuis mes années de fac. Paradoxalement, c'est la police qui me sauva la vie, car je manquais de me faire lyncher par les honnêtes citoyens soucieux de montrer du zèle devant les nouveaux maîtres du pays.

La voiture s'arrêta devant le portail d'une immense zone grillagée. Le CAP n'était pas une légende. L'endroit me disait même quelque chose sans que je puisse l'identifier. Je fus conduit dans les bureaux de l'administration. On m'inscrivit dans le registre du centre. On me donna des draps, des couvertures et des affaires de toilette puis on m'indiqua les coordonnées du baraquement qui serait désormais le mien. A ma grande surprise, aucun gardien ne m'accompagna. Je fus laissé seul à l'entrée du camp, libre à moi de trouver le chemin jusqu'à mon toit.

Le camp semblait immense. Tout en le traversant, une boule se nouait dans ma gorge. Je pensais au dernier livre que j'avais lu durant ma planque. Il s'agissait de Treblinka de Jean-François Steiner. Ce livre retrace les actes de résistance des détenus du camp de concentration de Treblinka qui conduisit à son soulèvement le 2 août 1943. Je m'étais arrêté au chapitre évoquant le premier acte élémentaire de résistance, celui de secourir les détenus désespérés tentant de se pendre.

A ce stade de mes pensées, je me demandais s'il existait dans ce ''centre'' des détenus encore assez combatifs pour me retenir lorsque je monterai dans quelques instants sur un tabouret avec une corde autour du cou.

Soudain, quelqu'un me tapa sur l'épaule.

À suivre...


mercredi 5 novembre 2014

La gauche explore le temps…

par Abdoul Karachi...

L’histoire racontée par les soviets : c’est très marrant !

Certains croient que la gauche est née avec la révolution d’octobre, en 1917. Détrompez-vous honnêtes cuistres ! Elle a accompagnée l’humanité depuis les temps immémoriaux de l’âge de pierre jusqu’à l’âge d’abondance. Petit retour en arrière : la gauche explore le temps…

Le feu

« Ouais super je viens d’inventer le feu !

JCR : « Alors, d’une part ça va aggraver les rapports de domination homme-femme, d’autre part je ne suis pas sûr que ça ai été discuté en réunion au préalable, enfin il faut donner des billes aux camarades de la région parisienne et des régions pour le maniement du feu dans une perspective durable d’émancipation de la classe à travers une formation régionale du secteur jeune.

Réformiste : « Oui alors nous on pense que les masses ne sont pas prêtes, il faudrait commencer par un feu plus tiède qui ne citrique pas directement la politique du gouvernement sinon ça va faire le lit de l’extrême droite »

GA* : « Je crois que pour avoir plus de feu il faut mettre plus de bois et pour avoir moins de feu il faut mettre moins de bois. »

La roue

« Ouais super j’ai inventé la roue !

JCR : « Il y’en a marre des demi-mesures ! On obtiendra la roue que si on demande l’hydroglisseur à travers une mobilisation des secteurs les plus avancés du mouvement ouvrier grâce à une grève générale interprofessionnelle qui soit victorieuse menée par les luttes de jeunesse !

Réformiste : Oui alors c’est un peu tôt pour la roue. Les masses ne sont pas prêtes et ça risque de faire le jeu de l’extrême droite.

GA : La roue c’est pratique pour déplacer des choses lourdes.

Charles Martel à Poitiers

« Ouais super on a arrêté l’invasion des sarrasins !

JCR : « Le caractère petit-bourgeois et nationaliste de cette lutte ne cadre pas avec nos principes prolétariens et internationalistes ! Derrière chaque sarrasin il y a un exploité, un prolétaire. Il faut construire une grève générale interpro qui s’appuie sur les secteurs les plus avancés de la classe ouvrière afin de dépasser le clivage sarrasin/français.

Réformiste : Il faut faire voter une loi qui interdise le port du voile sur le territoire françois et mettre en place une garde royale de proximité dans les villes populaires occupées par les sarrasins.

GA : Alors nous on aime bien les crêpes au sarrasin.

Le roi à Paris

« Le roi à Paris ! Le roi à Paris !

JCR : Oui alors c’est un mot d’ordre réformiste qui ne mènera nulle part, de toute façon ce mouvement social est bourgeois et apolitique il nous conduit dans l’impasse, on va épuiser nos forces. La priorité c’est de differ massivement sur les bahuts d’île de France, surtout dans les bahuts pros et de faire des collages pour recouvrir le Front de Robespierre qui ne propose que des solutions réformistes qui vont décourager la classe ouvrière.

Réformiste : Dans un premier temps le roi à Paris puis, si on prend la majorité au conseil des ministres, à l’assemblée constituante et au parlement européen on pourra enclencher un processus de réformes sociales.

GA : Il faut déconstruire la forme-roi.

1917 en Russie

« Tout le pouvoir aux Soviets !

JCR : Alors là d’accord sur le mot d’ordre mais en toute indépendance des sociaux-démocrates et des socialistes révolutionnaires petit-bourgeois et des anarchistes gauchistes.

Réformiste : Prenons d’abord la majorité à la Douma et transformons l’Okhrana en instrument de réforme sociale pour le plus grand nombre, même s’il faudra passer par une réforme ambitieuse des retraites qui rééquilibrera les comptes de l’Etat soviétique.

GA : Tout le pouvoir aux serviettes ! »

Paléo-gauchiste ou archéo-trotskiste ?
 Lexique :

GA : acronyme pour Gauche Anticapistaliste. Canot de sauvetage issu du NPA. A rejoint le Front de Gauche puis a participé à la création d'Ensemble-MAGES en attendant le prochain mercato politique.

vendredi 17 octobre 2014

Pas de panique

En ce moment, les informations sont pour le moins anxiogènes. Je ne parle pas d'Ebola ou des islamo-nazis de Daech, sur ces sujets je suis comme vous : j'assiste à leur évolution en regardant le Zapping, je m'en désole et je me ressers des pâtes. Je parle bien évidement de la situation politique de notre doux pays.

Le torchon vichyste d’Éric Zemmour est en tête des ventes en librairies, ayant dépassé les ventes du dernier Harlequin d'une ex-première dame encornée, c'est dire le niveau culturel des lecteurs français. Sur internet les vidéos de Soral et Dieudonné franchissent tranquillou les trois cent milles visites avec des pics à un million.

Marine Le Pen est à 43% de bonne opinion dans les sondages et le FN a fait son entrée au sénat. Le PS estime que sa seule chance de gagner la présidentielle de 2017 est de couper l'herbe sous le pied de la droite en appliquant le programme de celle-ci. Nous avons ainsi la « gauche » de gouvernement la plus à droite de l'histoire : ça tape sur les chômeurs, les roms, les immigrés, les musulmans...les syndicalistes et les fonctionnaires ne devraient pas tarder eux non-plus à se prendre une avoinée. Stratégie politique visiblement inefficace puisque Le Pen est donnée présente au second tour des présidentielles dans tous les cas de figure et même victorieuse face à Hollande.

La bataille culturelle semble à l'avantage de la droite borderline fasciste. L'esprit de solidarité reculerait. On intègre l'idée que le chômeur est responsable de sa situation. Les manifestations de masse sont celles des familles catholiques réactionnaires. A Calais des milices de citoyens se créent pour traquer du clandestin. Youpi tralala lalère...

Ainsi l'angoisse monte parmi les militants de gauche. Revivons-nous de nouvelles années 30 ? Serions-nous à la veille d'une prise de pouvoir par l'extrême-droite ? Doit-on quitter le pays tant qu'il est encore temps ?

Non, non et trois fois non. N'ayez aucune inquiétude, vous pouvez poursuivre une activité normale.

En effet, reprenons nos classiques. Feuilletons quelques pages de l'ami Léon Trotsky, maltraité par mon hémisphère droit lors du précédent billet, ou mieux encore Daniel Guérin dont la passionnante étude Fascisme et Grand Capital va bientôt reparaître aux éditions Libertalia. Que sait-on du fascisme ?

« C'est en dernier recours que les magnats de l'industrie lourde et les grands propriétaires fonciers encouragent financièrement et politiquement le développement du fascisme. Ils le font parce que leurs intérêts financiers et économiques sont menacés et que les démocraties libérales ne sont pas en mesure de les défendre. »

Pour paraphraser et compléter, les milieux d'affaires utilisent la carte du fascisme pour se protéger d'éventuelles menaces sur leurs intérêts. Cette menace serait celle d'une mobilisation sociale populaire visant à récupérer les richesses spoliées par le Capital. En gros la carte brune contre la carte rouge, plutôt Hitler que le Front Populaire, je ramasse mon point Godwin et je poursuis.

Or voyez-vous une menace rouge aujourd'hui en France ? Y aurait-il un début de frémissement de mobilisations sociales ? Lisez-vous de la peur dans les yeux de Gattaz ? Bien sûr que non.

Le Front de Gauche est à l'agonie. Le PCF tient absolument à conserver son titre de champion du monde du cul entre deux chaises et navigue dans un univers parallèle. J'ai ainsi rencontré le week end dernier des militants convaincus que Pierre Laurent seul dépasserait le score de Mélenchon aux prochaines présidentielles. Le PG s'enferme dans une posture de petits gardes rouges, posture efficace si cela marchait mais ça ne marche pas, je ramasse mon point La Palice et je poursuis. Philippe Poutou quitte le Comité Exécutif du NPA, fatigué de cet aréopage de curés rouges et autres aristocrates de gauche, parisiens de surcroît. Lutte Ouvrière continue à distribuer des tracts ronéotypés à l'entrée des usines par temps de pluie parce qu'ils ont toujours fait comme ça.

Vous voyez : tout va bien. Tant que nous nous focalisons sur nos petites querelles, tant que nous sommes convaincus que notre trou du cul est plus pur politiquement que celui de notre voisin, nous ne menaçons pas grand monde. Prenons donc bien soin de poursuivre la construction de nos petites divisions : intellos contre prolos, bobos contre beaufs, citoyens immaculés contre vilains militants politiques, LGBTI contre hétéronormés, ceux qui croient au ciel contre ceux qui n'y croient pas...

Inutile donc de convoquer un régime autoritaire, ni milices ni commissaires politiques. Patronat et bourgeoisie n'ont pas besoin du fascisme pour démolir un mouvement révolutionnaire, on le fait très bien nous même.

Notre médiocrité est peut-être bien la garantie de notre survie.

Le lapin de gauche

lundi 25 août 2014

Trotsky, les trotskistes et les trotskismes

Longtemps j'ai eu du mal à avoir des discussions sereines sur Trotsky et le trotskisme. D'un côté les militants du PCF me résumaient d'une phrase lapidaire leur inculture politique :  « les trotskistes c'est des anti-communistes » ; de l'autre les JC se la jouaient néo-staliniens pour cacher qu'ils n'ont pas de muscles. Il y avait aussi les anars, mais ils défendent tellement mal leur purisme révolutionnaire que tout en faisant semblant de les écouter, je m'imaginais artilleur dans l'armée rouge pilonnant Cronstadt.

Heureusement, Krivine et Bensaïd me réconcilièrent un peu avec le trotskisme. La position pragmatique de Krivine me convenait très bien : « je suis trotskiste quand on attaque les trotskistes ». Bensa publia un livre sur « Les trotskysmes », vision plus honnête d'une terminologie que se partagent des dizaines de chapelles incapables de s'entendre entre elles.

Je ne prête l'oreille ni aux cocos ni aux anars, mais Henri Guillemin, je l'écoute attentivement avec mon doudou contre la joue et en suçant mon pouce. L'historien a consacré des conférences pour la radio autour de Lénine, Staline et Trotsky. Grand-Père Henri n'était pas du genre à dissimuler des faits pour mieux illustrer une hypothèse, soyons lui reconnaissant de cette intégrité intellectuelle.

Ainsi Henri Guillemin semble bien avoir de la sympathie pour Trotsky, ce qui ne l'empêche pas de présenter des éléments qui écorne la légende du gentil révolutionnaire cherchant à sauver l'honneur du communisme contre les méchants staliniens. J'ai longtemps donné dans ce manichéisme bon enfant puis je me suis rasé la barbe. Chacun sait qu'un temps de rasage quotidien favorise l'introspection. Or deux trois trucs m'ont rapidement dérangé chez les trotskos, à commencer par le culte de la personnalité qui entoure l'ancien chef de l'armée rouge, on en parlait déjà dans un autre billet.

Henri Guillemin présente Trotsky à partir de textes de Lénine et de sa veuve Nadejda Kroupskaïa, de documents de congrès et des bulletins rédigés à partir de son exil. Trotsky est issu d'une famille bourgeoise, il rejoint tardivement les bolchéviques, très bon orateur, très bon théoricien, il est très populaire dans l'armée rouge qu'il a fondé mais il n'est pas apprécié dans la classe ouvrière russe. Après 1917, il est un membre de l'aristocratie bolchévique, qui part en cure dans un train de luxe puis en datcha pendant que les peuples de Russie meurent de faim.
 Henri Guillemin relève que c'est un chef sévère pour qui fusiller est la réponse à beaucoup de problèmes. Cela peut encore s'excuser en temps de guerre civile mais l'ami Léon entendait bien appliquer ces méthodes de management à la vie civile en « militarisant la classe ouvrière ». Pas question pour lui de voir des syndicats indépendants. Trotsky maître de l'URSS n'aurait peut-être pas été aussi bourrin que Staline, on aurait peut-être évité les purges de la vieille garde révolutionnaire, mais ça n'aurait pas été non plus la fête du slip.

Au début des années 1920, Trotsky eut plusieurs opportunités d'éparpiller Staline façon puzzle, il ne les saisit pas ou fit marche-arrière à mi-chemin, petite bite. La suite est connue : l'exclusion du parti, l'exil, la déchéance de la nationalité russe, la IVème Internationale, le Mexique, le piolet.

Mais l'élément majeur apporté par Henri Guillemin dans la conférence que j'aurai le plaisir de vous faire partager à la fin de ce billet, est d'affirmer qu'à la fin de sa vie Trotsky se rapprochait des positions de Staline. Le pacte germano-soviétique ? Il n'est ni absurde ni stérile, écrit-il. La guerre d'agression contre la Finlande ? Trotsky regrette seulement que les russes piétinent. Enfin, au printemps 1940, il se demande : « Dans les circonstances présentes, la classe ouvrière n'a-t-elle pas le devoir d'assister les démocraties, même avec leurs défauts, contre le fascisme allemand ? » et sa réponse est cinglante :  « Cette idée nous la repoussons avec indignation ». Je connaissais déjà cette position défendue par les militants de Lutte Ouvrière dont le fondateur Barta, voyait en 1944 la résistance comme « une duperie de la collaboration de classe ». C'est l'un des deux trois trucs dérangeants dont je vous parlais plus haut. Comment s'étonner aujourd'hui de la frilosité à mener des actions unitaires chez certains groupes issus du trotskisme ?

C'est justement parce que Trotsky se rapprochait des positions de Staline, c'est à dire des positions de l'État soviétique, que ce dernier le fait assassiner en conclut Henri Guillemin. Ancien glorieux chef de l'armée rouge, Trotsky pourrait faire figure de sauveur providentiel en cas de débâcle militaire russe contre les nazis.

Trotsky est une icône « de ceux et celles qui ont cherché avec passion à sauver l'honneur du communisme révolutionnaire » comme disait Daniel Bensaïd. Mais c'est une icône parce qu'il n'est pas resté longtemps au pouvoir, et de toute façon je n'aime pas les icônes. Loin de moi pourtant l'idée de rejoindre la meute grossière des anti-trotskistes. Je cherche à appliquer un principe énoncé par un ex à moi qui s’appelait NPA, à savoir  « prendre le meilleur du mouvement ouvrier ». Le meilleur du trotskisme c'est sans doute son analyse des dérives bureaucratiques, sa résistance à l'usure du temps et – meilleur et pire à la fois – son acceptation romantique d'éternel vaincu.


dimanche 13 juillet 2014

La médiocrité n'aidera pas les palestiniens

Ça fait deux ans que j'ai en projet d'écrire un article sur les équivalents curés rouges qui sévissent dans les milieux pro-palestiniens. J'aurai intitulé cet article "Ces salauds qui prétendent défendre la Palestine" ou un truc dans ce genre.Car c'est moi ou il y a une proportion de tarés plus élevés que dans d'autres milieux militants ? En tout cas, c'est en fréquentant ce milieu que j'ai rencontré pour la première fois des conspirationnistes. Outre des antisémites plus ou moins assumés, des allumés du coran et des dieudo-soraliens, on peut aussi y trouver des frustrés qui reportent tout leur manque d'affection sur les palestiniens ( "les palestiniens c'est le peuple le plus intelligent de la Terre, ça a été prouvé scientifiquement...")* et toute leur aigreur sur les israéliens ("les sionistes, faudrait tous les tuer à partir de l'âge de cinq ans")*. 

La gauche n'a pas le monopole de la cause palestinienne, c'est le contraste entre les différents profils militants qui doit me choquer.
Je n'écrirai pas cet article cette fois-ci, mais en découvrant des publications dont vous pourrez apprécier quelques exemples à la fin du billet, j'ai pondu ce communiqué que je fais circuler là où je peux :

 La médiocrité n'aidera pas les palestiniens


Aux premiers jours de la disparition des trois jeunes israéliens, j'ai vu passer sur les réseaux sociaux des ricanements de la part de certains groupes ou personnes engagés dans le mouvement pro-palestinien qui remplaçaient le mot kidnapping par celui de détention administrative. Puis lorsque les corps des adolescents ont été retrouvés, les moqueries ont laissé place au cynisme, disant que ces meurtres étaient peu de choses comparés aux nombreux morts palestiniens. Certains ont même mis en doute la sincérité des deuils des mères israéliennes.

Il n' y a pourtant qu'une seule symétrie dans ce conflit inégal: la douleur de ceux qui ont perdu des êtres chers.
Ce genre de comportements minables, que je qualifie par euphémisme de médiocrité, s'ajoutent aux démonstrations de joies lors des tirs de roquettes sur Israël, aux ambiguïtés fleurant l'antisémitisme, aux tentatives de faire culpabiliser la Terre entière sur ce qui se passe à Gaza ou encore aux soutiens à des régimes autoritaires (Syrie, Iran, Russie...) sous prétexte d'antisionisme et d'anti-USA. Ces comportements sont minoritaires dans le mouvement pro-palestinien bien-sûr, mais c'est comme un étron au milieu d'un tapis, c'est ce qui se remarque en premier.

Chacune de ces manifestations, outre le fait d'atteindre le degré zéro de la politique, est une brèche dans laquelle s'engouffrent les sionistes et tous les défenseurs de la politique meurtrière de l’État Israélien. Cela leur permet de se poser en victimes, de crier à l'antisémitisme, d'occulter les responsabilités d'Israël derrière des polémiques qui ne devraient pas avoir lieu, bref de ne pas répondre sur le fond.
Cette médiocrité freine le mouvement de solidarité avec la Palestine, nous décrédibilise et nous fait perdre des partisans. Dans un souci d'efficacité, le mouvement pro-palestinien se doit d'être intransigeant et doit écarter toute manifestation de lâcheté, de bassesse et d'intolérance. Il en va de notre responsabilité vis à vis du peuple palestinien.

* ce sont évidement des propos que j'ai pu entendre...

dimanche 25 mai 2014

Pandas et porte-à-porte.

Je me souviens d'une passionnante discussion que j'avais eu avec feu mon camarade Romain. Nous étions assis au bord du fleuve Jinsha Jiang, dans la province du Sichuan en Chine. Nous sirotions du thé au Jasmin en attendant que notre guide-interprète, la délicieuse Pan Shuang, nous prépare des pipes d'opium.

C'était l'époque où Romain et moi chassions le panda dans la réserve naturelle de Wolong. Ne prenez pas ces airs offusqués : des sentiments éco-humanistes nous habitaient. Le panda est un animal très intelligent, nous en convenons. Il est si brillant qu'il a compris que notre planète était foutue. Le pire étant devant nous, il refuse de voir une de ses descendances potentielles subir la lente agonie qui attend les autres espèces vivantes. Sage animal qui a fait le choix courageux de refuser de se reproduire. Or des scientifiques sans âmes et des écologistes aux vues courtes s'acharnent au mépris de l'avis des intéressés à perpétuer cette espèce. Il était de notre devoir d'aider ce noble plantigrade ursidé à s'éteindre le plus vite possible. Si vous émettez encore quelques réserves parce que, selon votre petite sœur, ''le panda il est cromignon'', je vous garantie qu'un panda se trainant sur le sol avec deux décharges de chevrotines dans le bas-ventre a perdu cet aspect peluche en même temps que toute dignité...

Ici commence le vrai article :

Mais ce n'est pas de panda que je souhaitais vous parler. Romain évoquait ce soir là un changement de paradigme provoqué une fois de plus par l'évolution des pratiques sociales liées à internet. La sphère intime de chaque individu, affirmait mon vieux compagnon, se barricaderait de plus en plus : l'espace abandonné aux réseaux sociaux serait compensé par une ostracisation accrue de son espace physique privé. Ainsi il deviendrait plus difficile dans le domaine politique d'intervenir directement auprès d'un individu lambda, que ce soit lors de distribution de tracts sur la voie publique ou en porte-à-porte. Pour faire plus simple, Lambda ne voudrait pas être dérangé dans sa bulle, pire, il ne comprendrait plus qu'on puisse le déranger dans sa bulle.

Il se trouve que je sors d'une période de porte-à-porte assez intense durant la campagne municipale. Je n'ai pas ressenti ce choc de cultures entre militants old school et concitoyens 2.0. Peut-être est-ce dû au fait de vivre et militer dans une petite ville de province ?

Je n'avais pas fait de porte-à-porte depuis la fac. Et encore, à cette époque, nous autres gauchistes étudiants le pratiquions uniquement en cités universitaires, c'est à dire auprès de nos pairs, auprès de jeunes avec qui nous partagions une culture commune. On rencontrait des potes d'amphi, on s'arrêtait à boire un ou deux ou trois apéro puis on se disait que le porte-à-porte pouvait être remis à plus tard et on roulait un truc dans des feuilles OCB merci bonsoir... Pas de ça dans la vrai vie. Le porte-à-porte en ville et en quartier populaire c'est le corps à corps du militant politique, l'électeur à convaincre on lui voit le blanc des yeux.

Je n'aime pas ça, mais alors absolument pas. Je suis un garçon timide. Pourtant je l'ai fait. Et mon esprit tordu d'anarcho-droitier n'a pu s'empêcher de prendre des notes en regardant faire mes camarades.

Quand bien même mon pote Romain (que le grand Karl parfume sa mémoire) aurait raison, ce n'est pas parce que le porte-à-porte serait une pratique en déclin qu'il faudrait l'abandonner complétement. Comme toute pratique en déclin il faut redéfinir son objectif et resegmenter son marché. Cette opération ne doit se faire que très ponctuellement, pour ne pas saouler Lambda, d'autant plus que c'est une pratique extrêmement chronophage et épuisante. Mais elle doit être pratiquée régulièrement (tous les deux ans, trois ans?) pour s'inscrire comme une pratique normale bien qu'exceptionnelle.

Voici donc quelques conseils et remarques :

● Le porte à porte est une activité fatigante, je viens de le dire. C'est un travail à la chaine où l'on répète sans cesse le même discours. J'ai remarqué en ce qui me concerne, et certains camarades m'ont dit ressentir la même chose, que cette action répétée finissait par avoir un effet euphorisant : on rigole et on finit par cabotiner. Aussi ne faites jamais plus de deux heures de porte-à-porte d'affilée, on est moins productif et je ne suis pas partisan du militantisme sacerdotale.

Habillez-vous correctement. Pas de veste militaire, de T-Shirt Anarchie en Chiraquie, pas de badges, pas de look hippie ou surfeur... « correctement » veux dire ici « neutre ». Nous ne sommes pas là pour choquer qui que ce soit. Certains camarades pensent que la chemise-cravate permet une écoute plus facile et respectabiliserait les idées présentées. Je ne suis pas convaincu, j'ai peur que cela dresse une barrière entre militant et résident.

Ne faites jamais, évidement, du porte-à-porte seul. On a l'air d'un looser qui n'a pas d'amis. Ne le faites pas à trois non plus, le résident interpellé se sentirait envahi et se bloquerait d'office à toute écoute. Donc le faire à deux. L'un et l'autre peuvent se relayer à chaque porte et chacun s'économise.

L'idéal est d'avoir un duo mixte, en sexe et en âge. Le résident a plus de chance de reconnaître un pair dans l'un de ses interlocuteurs. Un autre avantage de faire du porte-à-porte avec un ou une camarade retraité, c'est que les gens ouvrent plus facilement, surtout les personnes âgées.

Frappez à la porte (ou sonnez) et faites un pas en arrière afin que le résident, en ouvrant ne se retrouve pas nez à nez avec vous et soit surpris et intimidé. De plus, vous devez rester dans sa sphère sociale (entre 1,2 et 3,5m voir schéma) et ne pas rentrer dans sa sphère intime. Ceci serait considéré comme agressif venant d'un inconnu.

Souriez et présentez-vous (au moins un prénom)

Ne vous excusez jamais pour le dérangement. On ne dérange pas, on vient présenter des idées politiques géniales (dans les faits, bien sûr qu'on les dérange, mais c'est inutile de le faire remarquer, ce serait se présenter sous un angle négatif)

Ne soyez pas intrusif, pas de question du genre pour qui votez-vous? Le résident n'a pas à se justifier, il est chez lui.

Ne venez pas les mains vides, ayez un tract à donner et un rendez-vous à proposer (meeting, manif, date du vote...) c'est votre prétexte pour avoir sonné à la porte.

Vous avez une chose à dire, pas mille. Faites des phrases simples et courtes. L'entretien doit prendre cinq minutes maximum. Ce n'est pas parce qu'un résident est poli avec vous et qu'il vous écoute avec le sourire qu'il a envie que vous restiez à développer tout votre programme politique.

Il est inutile d'engager un débat avec un résident aux idées opposées aux vôtres mais ouvert à la discussion. Vous ne le convaincrez pas et vous perdrez du temps. De même si vous tombez sur un papy ou une mamie qui a envie de vous raconter sa vie, fuyez !

Le ou les candidats doivent évidement participer le plus possible à ces porte-à-porte.

enfin, le plus important, choisissez les quartiers que vous allez prospecter en fonction des scores électoraux précédents. Choisissez en priorité ceux qui vous sont le plus favorable. Ignorez les quartiers de droite même s'il y a beaucoup d'abstention. Les abstentionnistes se découplent comme le quartier, il y a autant d'abstentionnistes de droite que de gauche (c'est une idée-reçue de gauchistes de croire que si les gens ne votent pas c'est qu'ils attendent la révolution).

Le but d'un porte-à-porte est de mobiliser son électorat. Il sert à envoyer voter ceux qui sont déjà susceptible de voter pour vous. Il faut les motiver en leur montrant qu'il existe déjà des militants motivés : des militants qui leurs ressemblent, qui ne les effraient pas et qui ne les embêtent pas (trop). Votre entretien est donc là pour laisser une bonne impression. Le porte-à-porte se fait au moment de campagnes, et les campagnes électorales locales s'y prêtent bien. On pourrait cependant expérimenter aussi du porte-à-porte lors de mouvements sociaux pour rassembler des habitants pour des manifestations...mais point trop n'en faut.



Post-scriptum : évidement, si c'est un panda qui vous ouvre sa porte, ne perdez pas de temps à vous interroger sur l’incongruité de cette situation, tuez-le !

samedi 24 mai 2014

Encéphalogramme

Dans le sous-sol du Fight Club. Rien n'a changé depuis le sinistre dernier billet du blog. Meubles brisés, dossiers éventrés et ordinateurs HS sont recouverts de poussière. Des toiles d'araignées obscurcissent le passage. Seul le clapotis d'une canalisation percée trouble le silence sépulcrale de ce qui fut jadis le blog de gauche le plus cool. Trois silhouettes descendent prudemment l'escalier.

Le premier individu : j'vous dit que j'ai entendu quelque chose et j'ai encore rien fumé aujourd'hui !

Le second individu : putain Léandre tu deviens parano ! Ça devait être un spam, plus personne n'est venu ici depuis huit mois.

Léandre : tu commences à me gonfler, Bébert, avec ta dialectique matérialiste... et toi Jean-Paul t'as rien entendu ?

Jean-Paul : j'ai rien entendu, j'ai rien vu et je ne suis pas mandaté pour descendre dans cet ancien repère de droitiers petits-bourg...

Gros Bébert l'attrape par le col et le force à le suivre.

Gros Bébert : tout le monde descend ! On récupère quelques vieux billets, on fait des copier-coller, on remonte et c'est marre !

Les trois camarades s'avancent à la lumière de lampes torches. Ils fouillent du bout des pieds dans les cendres froides d'un passé glorieux. L'un ramasse des vinyles de la BO du courant anarcho-droitier; l'autre feuillette des revues difficilement compatibles avec des principes antisexistes; le dernier secoue de vieilles bouteilles dans l'espoir hypothétique d'y déceler un fond de liquide.

Gros Bébert : Cognac de la maison Gautier ? Ils ne se refusaient rien les anarcho-droit...

[bruit d'un truc métallique qui tombe, cliché des films d'angoisse, certes, mais toujours aussi efficace]

Léandre pâle: là j'suis pas conspirationniste, vous avez entendu comme moi ?

Jean-Paul livide: alors c'est peut-être pas très orthodoxe mais je soumet là maintenant une motion pour quitter sans délai cet endroit. J'ai une boule au ventre comme avant de faire cours aux 4ème B. Moi j'ai pas honte de le dire, j'ai peur.

Gros Bébert nerveux : et dire que ça se dit prêt à se lancer dans la lutte armée ! Paie tes bolchéviques ! S'adressant aux ténèbres Y a quelqu'un ? Guillaume ? Romain ? Vous êtes là ?

Léandre : ça peut pas être eux, ils ont disparu depuis septembre dernier !

Gros Bébert : et à ton avis qu'est-ce que c'est ? Des spectres ?

Léandre : fantômes, extra-terrestres, voyage dans le temps... tout était possible sur ce blog. Je vote pour la motion de JP, donc on remonte ?

Jean-Paul pleurnichant: … et j'aimerai rajouter une clause de confidentialité rapport à mon pantalon qui s’humidifie.

Gros Bébert : non mais je rêve ! Regarde-toi Léandre ! Tu te prends pour le Che parce que t'as la barbe mais t'es juste un hipster avec un keffieh !

Léandre perfide : ben et toi alors ? Tu te la racontes en fier guerrier skinhead mais tu t'es surtout rasé le crâne pour cacher ta calvitie... comme Soral.

Gros Bébert : répète un peu pour voir !

Léandre : parfaitement !

[un rire sarcastique se répand en échos contre les parois du blog]

Jean-Paul paniqué : y a de l'activité ici ! Par pitié raccompagnez moi en haut !

[des bruits de pas résonnent et se rapprochent du groupe]

Léandre : je...je tiens à rappeler à l'auditoire encore sceptique ici présent, que les militants comme nous étaient les principales victimes du Fight Club. Libre à chacun de rester ici et de se faire à nouveau déchiqueter mais moi je raccompagne le trotsko incontinent !

Gros Bébert paniqué : on se barre... rendez-vous sur le forum marxiste !