No (que l'on peut traduire en français
par « non », ne soyez pas surpris, nous sommes
polyglottes) est un film chilien de Pablo Larrain qui reconstitue la
campagne référendaire qui ''chassa'' Pinochet du pouvoir en 1988.
Sous la pression internationale, le
régime fasciste chilien (appelons un chat un chat), en place depuis
le coup d’État militaire de 1973 (soit 15 ans, nous sommes aussi
des bêtes en calcul mental) dut instaurer un référendum pour la
reconduite pour sept ans au pouvoir du meilleur ami de Margaret
Thatcher (hommage posthume à The Bitch). Simple formalité pensent
les cadres du régime, les ''homosexuels communistes'' (comprenez les
opposants au régime) n'auront droit qu'à quinze minutes d'antenne
par jour à une heure tardive durant la campagne.
Les membres de la « Concertation
des partis pour la démocratie » qui fait campagne pour le non
au référendum, partent eux-mêmes vaincus d'avance. « On
profite de l'espace que le pouvoir a dû céder pour informer le
peuple, pour le repolitiser,... mais le vote est joué d'avance, on
travaille sur du long terme... ». Il
faut d'ailleurs commencer par convaincre les électeurs de se
déplacer jusqu'aux urnes, quinze ans de répressions fascistes ont
quelque peu refroidi la témérité du peuple chilien.
Certains
responsables de l'opposition vont alors faire appel à des
publicitaires pour organiser leur communication. Des jeunes loups du
marketing vont relever le défi. Comment rattraper le retard sur les
pronostiques favorables au gouvernement ? Comment redonner
espoir aux partisans du non ? Comment séduire les résignés ?
Les publicitaires ont une idée géniale, ils vont associer la
campagne du ''non'' à ce qui est le plus vendeur, à savoir la joie.
Les gens cool sont pour le non, l'avenir riant passe par le non, le
non rendra la joie à ce pays sclérosé par quinze ans de
libéral-fascisme.
Pablo Larrain se
fait plaisir en nous montrant la première confrontation entre le
jeune publicitaire qui se rend au travail en skateboard, René
Saaveda, et la veille garde anti-Pinochet. Non, non et non, disent
ces derniers, la lutte pour la démocratie ce n'est pas drôle. On ne
conscientise pas les gens en faisant des blagues. La politique c'est
sérieux.
Ces
personnages nous rappellent nombre de militants actuels, de ceux qui
chantent l'Internationale sourcils
froncés et gueule en biais. De ceux pour qui un nez rouge ou un
prout n'ont pas leur place dans un discours politique. Ceux qui
confondent ''sérieux'' et ''triste''.
Heureusement pour
l'issue du vote, les réserves des grincheux ne seront pas retenues.
Les émissions de l'opposition seront vite très populaires, tandis
que la communication de la junte s'enfonce dans la ringardise et
l'agressivité. Résultat : une participation massive au
référendum et 55,99 % de non à Pinochet.
Le
film de Pablo Larrain est unanimement salué pour ses qualités
cinématographiques, bien que l'image soit filmée en Lumatic
afin d'insérer des archives d'époques sans
contraste, ce qui donne un gain VHS assez dégueulasse. Les critiques
se portent sur le fond de l'histoire. No est
pour beaucoup l'illustration de l'époque où les équipes de com'
prennent le pouvoir dans le discours politique. La forme primerait
désormais sur le fond, et la campagne référendaire de 1988 serait
le prélude du Chili contemporain devenu un gigantesque supermarché.
Pourtant
« la forme c'est du fond qui remonte à la surface »,
disait Victor Hugo. Et le fond est présent dans les spots des
démocrates, on y parle de la censure, des disparitions d'opposants,
de la torture, des 40% de la population qui vivent dans la misère,
mais ces dénonciations n'ont pas pour but de se flageller ni de
s'enfermer dans une commémoration sans fin des martyres, les
meilleurs d'entre nous etc...
On ne rassemble pas son auditoire en le désespérant.
Là où
le film pêche, à notre avis, c'est que lui-même est un film
publicitaire qui vend de la joie. Les gentils démocrates gagnent à
la fin sans user de violence et les méchants dictateurs perdent.
Pinochet est pourtant resté le chef des armées pendant sept ans et
s'est octroyé une immunité parlementaire. Son successeur est un
démocrate-chrétien qui a soutenu le putsch contre Allende et le
libéralisme installé par la dictature n'a pas été remis en cause.
Répétons
le encore : « la forme, c'est du fond qui remonte à la
surface », ou pour le dire autrement, un programme émancipateur
doit avoir un discours émancipé. Camarades gauchistes, vous voulez
être convaincant oui ou merde ? No
peut peut-être vous apporter quelques réponses.